Après son adoption définitive par le Parlement le 23 juillet, la loi est parue au Journal Officiel du 5 août 2009, sous les références suivantes : loi n° 2009-967 du 3 août 2009 (JO, 5 août 2009, p. 13031).
La loi aborde les thèmes suivants :
Article | Thèmes abordés |
1 | Objectifs et stratégie nationale de développement durable |
2 | Lutte contre le changement climatique |
3 à 6 | Réduction de consommation d’énergie des bâtiments : objectifs généraux et particuliers, audit des bâtiments de l'Etat et programme de rénovation, programme de formation professionnelle de recrutement et de qualification des professionnels du bâtimentdes professionnels du bâtiment |
7 | Redéfinition des objectifs du droit de l’urbanisme |
8 & 9 | Dispositions relatives à l’urbanisme et au patrimoine : intégration d’objectifs de lutte contre le changement climatique dans les objectifs du droit de l’urbanisme |
10 à 14 | Objectif en matière de transport : réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports, investissement sur les transports fluviaux, terrestres et maritimes, réduction des émissions dans les transports collectifs terrestres et aériens, prise en compte de ces objectifs dans les plans de déplacement, renforcement des transports collectifs en Ile-de-France |
15 à 17 | Dispositions modifiant la loi du 30 décembre 1982 sur les transports intérieurs : politique des transports, création d’un schéma national des infrastructures de transports |
18 à 21 | Objectifs en matière énergétique : réduction des consommations énergétiques, développement des énergies renouvelables, création d’une taxe sur le chiffre d’affaire des concessions hydroélectriques, certification des biocarburants et priorité au développement des biocarburants de 2e génération |
22 | Recherche dans le domaine du développement durable |
23 à 26 | Objectif d’arrêt de la perte de la biodiversité : renforcement de la stratégie nationale biodiversité. Lancement de plans d’action et de restauration d’espèces, élaboration de la trame verte et bleue, renforcement de la connaissance de la biodiversité et de la recherche scientifique |
27 à 30 | Objectif d’amélioration de la qualité de l’eau : réduction des substances dangereuses prioritaires, élaboration d’une trame bleue, développement des maîtrises d’ouvrages locales en matière de zones humides et de réservoirs biologiques, renforcement de la surveillance des milieux aquatiques |
31 à 34 | Objectif de verdissement de l’agriculture |
35 & 36 | Gestion intégrée de la mer et du littoral |
37 à 45 | Objectif de prévention des risques pour l’environnement et la santé |
46 & 47 | Renforcement de la politique de réduction des déchets |
48 | Objectifs d’Etat exemplaire |
49 | Réforme du statut des associations, fondations et des instances nationales et locales |
50 | Décret en Conseil d’État pour fixer les critères remplis par les associations et fondations pouvant bénéficier d’un nouveau régime |
51 | Création d’une instance nationale et régionale consultative intégrant les collectivités territoriales. Généralisation de l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme. Financement des collectivités locales agissant pour l’environnement. Généralisation des bilans en émissions de GAES et des plans climats |
52 | Développement de la production et de la collecte d’informations sur l’environnement. Réforme des procédures d’enquête publique et de la procédure de débat public. Réorganisation de l’expertise publique en matière environnementale, de l’alerte environnementale |
53 | Réforme des informations environnementales et sociales des sociétés cotées en bourse. Mise en place d’instance de dialogue et d’alerte professionnelle. Labellisation et aides aux entreprises et aux investissements verts. Responsabilité environnementale des sociétés mères. |
54 | Amélioration de l’information environnementale figurant sur les produits proposés à la consommation (mention des impacts, régulation de la publicité, dispositifs incitatifs, TVA à taux réduits pour les produits de faible impact) |
55 | Éducation au développement durable (intégration du DD dans les formations initiales et continues, création d’un Institut, outils de formation). |
56 | Dispositions applicables aux départements d’outre-mer. Énergie. Déchets. Biodiversité. Activités extractives. Eau. Pollutions. Fiscalité |
Un prochain article du blog reviendra en détail sur les modifications majeures apportées par ce premier volet des engagements du Grenelle de l’Environnement, qui s’est déroulé durant l’été 2007, en matière d’urbanisme et d’immobilier.
On peut cependant déjà noté qu’il s’agit d’une loi de programmation et d’orientation fixant les objectifs de développement durable à prendre désormais en compte en matière environnementale. Elle constitue une première étape avant la parution de la future loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle II », qui prendra les mesures concrètes liées à ces objectifs.
Le projet de loi dit « Grenelle II », déclaré d’urgence, a été déposé en première lecture devant de Sénat. Après l’examen de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, c’est un projet amendé comportant 102 articles sur lequel débattront les parlementaires en septembre prochain (Projet Sénat, n° 553, 9 juill. 2009).
Si la réduction des consommations d’énergie dans les bâtiments constitue un volet important des objectifs du Grenelle I, l’impact de la loi en matière d’urbanisme et d’aménagement revêt un aspect non négligeable.
Sur ce point, les mesures votées correspondent aux conclusions du Grenelle de l’environnement selon lesquelles l’aménagement urbain doit placer au rang de ses objectifs prioritaires la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la maîtrise de la demande d’énergie, l’économie des ressources fossiles et le contrôle des dépenses d’extension de réseaux, fortement conditionnées par l’étalement urbain.
L’article 27 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés avait habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la création d’un régime d’autorisation simplifiée applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
C'est l'objet de l'ordonnance n°2009-663 du 11 juin 2009.
La législation relative aux ICPE régit les activités industrielles et agricoles, polluantes ou dangereuses, définies dans une nomenclature et classées sous le régime de la déclaration ou de l’autorisation selon la gravité des dangers ou inconvénients qu’elles présentent.
Ce régime d’autorisation simplifiée, dénommé enregistrement, constituera, dès la publication du décret d’application, un régime intermédiaire entre les régimes de déclaration et d’autorisation, d’ores et déjà prévus par la législation sur les ICPE.
Objectif et articulation avec les autres procédures d’instruction :
L’objectif de la réforme est d’alléger les procédures administratives relatives aux petites installations, dans les cas où il existe certes des risques significatifs justifiant un examen préalable du projet par l’inspection des ICPE (faisant de facto sortir ces installations du champ du régime déclaratif) mais qui peuvent être prévenus par le respect de prescriptions standardisées (et non par un examen lourd, tel que celui prévu dans le régime d’autorisation).
Les ICPE soumises à enregistrement bénéficieront ainsi de délais d’instruction plus court (de 4 à 5 mois encirons alors que ce délai était de plus d’un an pour les installations soumises à autorisation).
Afin d’éviter tout risque pour l’environnement, et conformément aux dispositions de la loi d’habilitation du 17 février 2009, l’ordonnance donne au représentant de l’Etat dans le département la possibilité de soumettre à la procédure d’instruction propre au régime d’autorisation une demande d’exploitation d’une installation relevant en principe du régime d’enregistrement, si l’instruction du dossier selon le régime simplifié laisse apparaître des risques particuliers ou cumulés.
En outre, le préfet pourra assortir l’enregistrement de prescriptions particulières venant compléter ou renforcer les prescriptions générales applicables à l’ICPE. Et, après la mise en service de l’installation, si les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du Code de l’environnement ne sont pas protégés par l’exécution des prescriptions générales applicables à l’exploitation, le préfet pourra imposer, par arrêté complémentaire, toutes prescriptions nécessaires.
Le contenu de l’ordonnance :
L’ordonnance prévoit :
- La création du régime d’enregistrement, les critères de classement des ICPE sous ce nouveau régime, les règles de procédure et la nature des prescriptions qui lui sont applicables ;
- La mise en cohérence ou l’adaptation des autres dispositions de la législation relative aux ICPE avec ce régime simplifié, afin d’assurer son intégration dans la législation existante ;
- Certaines dispositions de coordination d’autres législations existantes avec le nouveau régime (et notamment l’articulation avec la procédure de délivrance du permis de construire).
Ainsi, selon le nouvel article L. 512-7 du Code de l’environnement, sont soumises à enregistrement les installations présentant des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du Code de l’environnement, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales.
Aux termes de l’article L. 512-7, les prescriptions générales pourront notamment prévoir :
- Des conditions d’intégration du projet dans son environnement local ;
- L’éloignement des installations des habitations, immeubles occupés par des tiers, établissements recevant du public, cours d’eau, voies de communication, captages d’eau ou zones destinées à l’habitation, par des documents d’urbanisme opposables aux tiers ;
La procédure propre au régime d’enregistrement prévoit la constitution d’un dossier (mis à disposition du public), son instruction et la délivrance ou le refus d’un arrêté d’enregistrement.
Le demandeur doit avoir justifié que les conditions d’exploitation envisagées de l’ICPE garantissent le respect de l’ensemble des prescriptions applicables, et qu’il possède les capacités techniques et financières pour assurer tant l’exploitation de l’ICPE que la remise en état du site après son arrêt définitif (article L. 512-7-3 du Code de l’environnement).
En ce qui concerne la cessation d’activité, l’ordonnance reprend les dispositions applicables aux ICPE soumises à autorisation.
Entrée en vigueur :
L’entrée en vigueur du nouveau régime d’enregistrement est conditionnée à la publication d’un décret en Conseil d’Etat, qui devra notamment définir (i) le champ d’application du régime d’enregistrement et modifier en conséquence la nomenclature des ICPE, afin de faire basculer les installations concernées dans le champ de l’enregistrement et (ii) les prescriptions générales à respecter pour chaque catégorie d’installation.
Par un arrêt d’assemblée, le Conseil d’Etat vient de consacrer solennellement la valeur constitutionnelle de l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’Environnement promulguée le 1er mars 2005 (Conseil d’Etat, Assemblée, 3 octobre 2008, Commune d’Annecy c/ Etat, n°297.931).
En l’espèce, la commune d’Annecy avait formé un recours contre le décret n°2006-993 du 1er août 2006 relatif à la procédure d’élaboration des décisions de délimitation des zones de protection autour des grands lacs de montagne, fixée par l’article L. 145-1 du Code de l’urbanisme. Cette protection, initialement étendue aux territoires des communes riveraines de ces lacs par la loi Littoral, se trouve, du fait de l’application du décret n°2006-993, réduite à certaines zones délimitées au cas par cas pour chaque lac d’une superficie supérieure à 1000 ha. La commune d’Annecy, souhaitant conserver la protection des rivages de son lac, a donc attaqué le décret en se fondant sur sa méconnaissance de l’article 7 de la Charte de l’environnement (principe de participation du public).
Le Conseil d’Etat, en se fondant sur l’article 7 de la Charte de l’environnement promulguée le 1er mars 2005 et en reconnaissant la valeur constitutionnelle de l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte, considère qu’en l’absence de fixation par le législateur des conditions et limites d’application des principes d’accès aux informations et de participation du public, s’imposant au pouvoir réglementaire pour la délimitation des zones concernées, le décret a été pris par une autorité incompétente.
Le décret n°2006-993 du 1er août 2006 prévoyait en effet la mise en œuvre d’une procédure d’enquête publique et des modalités d’information et de publicité du public. Le Conseil d’Etat a jugé que ces dispositions concouraient à l’établissement d’une procédure de consultation et de participation du public qui entre dans le champ d’application de l’article 7 de la Charte. Or, aux termes de cet article, seul le législateur est compétent pour préciser les conditions et limites du droit de participation du public. Le décret, en intervenant dans ce domaine, a donc empiété sur le domaine de la loi (violation de la répartition des pouvoirs entre pouvoir législatif et réglementaire, organisée par les articles 34 et 37 de la Constitution). Le décret doit donc être annulé pour incompétence.
« Considérant que l’article 34 de la Constitution prévoit, dan la rédaction que lui a donnée la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, que la loi détermine les principes fondamentaux […] de la préservation de l’environnement ; qu’il est spécifié à l’article 7 de la Charte de l’environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence, que toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ; que ces dernières dispositions, comme l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement […] ont une valeur constitutionnelle. »
Cette décision s’inscrit dans la lignée de la décision du Conseil Constitutionnel du 19 juin 2008 relative à la loi sur les organismes génétiquement modifiés, qui reconnaissait la valeur constitutionnelle de l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement (décision n°2008-564 DC du 19 juin 2008).
Cet arrêt est la première décision du Conseil d’Etat reconnaissance la valeur constitutionnelle de la Charte de l’environnement et annulant un décret pour méconnaissance de ladite Charte.
Jusqu’alors, le Conseil d’Etat faisait application, mis à part pour le principe de précaution (auquel il avait reconnu une applicabilité directe par deux arrêts de 2006 : CE, 6 avril 206, ligue pour la protection des oiseaux et CE, 19 juin 2006, association eaux et rivières de Bretagne), de la théorie dite de la loi-écran. Cette théorie implique que la loi fasse écran à l’applicabilité directe des principes contenus dans la Charte (et notamment les principes de prévention et de participation). En effet, le Conseil d’Etat considérait que, bien que les nouveaux principes posés par la Charte soient des principes constitutionnels, la Charte dispose expressément qu’ils sont mis en œuvre dans les conditions fixées par la loi.
CE, 19 juin 2006, association eaux et rivières de Bretagne : « Considérant que lorsque des dispositions législatives ont été prises pour assurer la mise en œuvre des principes énoncés par la Charte, la légalité des décisions administratives s’apprécie par rapport à ces dispositions, sous réserve, s’agissant de dispositions législatives antérieures à l’entrée en vigueur de la Charte de l’environnement, qu’elles ne soient pas incompatibles avec les exigences qui découlent de cette Charte. »
L’arrêt du 3 octobre 2008 consacre expressément la valeur constitutionnelle de la Charte de l’environnement, mais sans qu’il y ait véritablement revirement. Le Conseil d’Etat ne fait en réalité qu’application de sa jurisprudence antérieure dans une hypothèse où la loi était muette. Le Conseil d’Etat a ainsi appliqué directement les principes qui résultent de la Charte, pour éviter que la carence du législateur rendent purement et simplement inopposable la Charte.
Charte de l’environnement
"Le peuple français, considérant :
Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l'émergence de l'humanité ;
Que l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel ;
Que l'environnement est le patrimoine commun des êtres humains ;
Que l'homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ;
Que la diversité biologique, l'épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l'exploitation excessive des ressources naturelles ;
Que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ;
Qu'afin d'assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins,
Proclame :
Article 1er Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.
Article 2 Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement.
Article 3 Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.
Article 4 Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi.
Article 5 Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.
Article 6 Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social.
Article 7 Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.
Article 8 L'éducation et la formation à l'environnement doivent contribuer à l'exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte.
Article 9 La recherche et l'innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l'environnement.
Article 10 La présente Charte inspire l'action européenne et internationale de la France."