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Cette revue a pour but de commenter l'actualité juridique et politique et de proposer des réflexions sur divers aspects du droit.
Un blog étant avant tout un espace de discussion, n'hésitez pas à réagir et à me faire part de vos remarques, informations et autres réactions !!

Marie Sacchet
14 novembre 2005

Curriculum Vitae

Articles RÉCents

15 mai 2009 5 15 /05 /mai /2009 13:27

1. Les circulaires : instrument juridique indispensable mais illisible

 

La prolifération des circulaires et leur absence de publication de façon officielle faisaient l’objet de critiques répétées depuis nombre d’années, tant de la part des parlementaires que des usages des services publics.

 

L’usage de tels documents administratifs est pourtant indispensable, dans la mesure où les ministres ont besoin de ces instruments pour pouvoir donner des instructions aux services de l’État et assurer ainsi la cohérence de l’action du Gouvernement et l’application uniforme des règles de droit sur l’ensemble du territoire.

 

Ainsi, les circulaires, en tant qu’elles unifient l’interprétation que fait l’administration du droit positif, sont un instrument de sécurité juridique et d’égalité devant la loi.

 

Ce rôle positif ne peut cependant être assuré que si les citoyens sont mis en mesure de connaître l’existence des circulaires utilisées par les services et d’accéder aisément à leur contenu.

 

Tel est l’objet de la récente réforme, qui oblige les administrations à mettre en ligne leurs circulaires sur un site unique relevant du Premier ministre.

 

 

2. L’objectif de la réforme : une volonté de lisibilité des circulaires et directives par l’ensemble des administrés

 

Le décret n°2008-1281 du 8 décembre 2008, modifié par le décret n°2009-471 du 28 avril 2009, prévoit qu’ « à compter du 1er mai 2009 les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l’État sont tenues à la disposition du public sur un site Internet relevant du Premier ministre. »

Ce site dédié vient d’être mis en place à l’adresse suivante : www.circulaires.gouv.fr.

 

Cette obligation ne s’applique pas aux circulaires et instructions publiées avant le 1er mai 2009, dont la loi permet à un administré de se prévaloir.

 

Le décret prévoit qu’ « une circulaire ou une instruction qui ne figure pas sur le site mentionné au précédent alinéa n’est pas applicable. Les services ne peuvent en aucun cas s’en prévaloir à l’égard des administrés. »

 

Afin d’assurer leur opposabilité aux usagers de l’administration, la publication des circulaires sur ce site Internet unique est donc un préalable obligatoire à leur application.

 

Avec ce nouveau site Internet, la fonction des circulaires administratives se voit clairement reconnue. Le rapport accompagnant le décret précisait à cet égard que « les circulaires, en tant qu’elles unifient l’interprétation que fait l’administration du droit positif, sont un instrument de sécurité juridique et d’égalité devant la loi. »

 

Ce rassemblement sur un site unique permettra en outre d’actualiser plus facilement les circulaires et de supprimer celles qui sont obsolètes, ainsi que de reprendre en un ensemble clair les instructions éparses.

 

Il est à noter que les instructions fiscales ne figurent pas sur ce site. Ces instructions obéissent en effet à un régime juridique propre, en tant qu’elles sont publiées au Bulletin Officiel des Impôts (BOI).

 

 

3. Réflexions sur la portée juridique des circulaires (inspiré du guide Légistique, paru à la Documentation Française en novembre 2007)

 

Sous des appellations diverses (circulaires, directives, notes de service, instructions…), les administrations communiquent avec leurs agents et les usagers, pour exposer les principes d’une politique, fixer les règles de fonctionnement des services et commenter ou orienter l’application des lois et règlements.

 

Si le terme « circulaire » est le plus souvent employé, la dénomination de ces documents, qui suivent un régime juridique principalement déterminé par leur contenu, n’a par elle-même aucune incidence juridique. Une circulaire n’a ni plus ni moins de valeur qu’une note de service.

 

L’ensemble de ces actes constitue, en droit administratif, des mesures d’ordre intérieur (savoir des mesures concernant la vie intérieure de l’administration). Il est à noter que la publication d’une circulaire ou d’une directive n’est jamais une condition nécessaire à l’entrée en vigueur d’une loi ou d’un décret. L’administration n’est d’ailleurs jamais tenue de prendre une circulaire (CE, 2000, Syndicat Sud PTT).

Plus généralement, une circulaire n’est en principe destinée qu’à exposer l’état du droit résultant de la loi ou du règlement qui justifie son intervention en vue d’assurer sur l’ensemble du territoire une application aussi uniforme que possible du droit positif : dans cette mesure, elle ne saurait donc ajouter à cet état du droit, soit en édictant de nouvelles normes, soit en donnant une interprétation contra legem des normes existantes.

 

Dans la hiérarchie des mesures d’ordre intérieur, la différence faite généralement entre les circulaires et les directives est la suivante :

 

 

  • Les circulaires sont des actes que les responsables administratifs adressent à leurs subordonnés et dans lesquels ils se bornent, en principe, à expliquer et commenter les lois et règlements que ces subordonnés sont censés appliquer. Le régime juridique de ces circulaires est posé par l’arrêt du Conseil d’État de 2002, dit Duvignères.

 

Si la circulaire ne fait pas grief, elle est insusceptible de recours.

Si elle a un effet impératif, elle est susceptible de faire grief. En ce cas, elle sera susceptible de recours, tout comme le refus de l’administration de l’abroger. Une fois admise la recevabilité du recours, le juge administratif s’interrogera sur la légalité de la circulaire et l’annulera en cas d’illégalité, qui peut être de deux types : soit la circulaire ne se contente pas d’interpréter, elle édicte une règle nouvelle. Si celle-ci n’a pas été légalement édictée, elle sera annulée. Soit la circulaire est illégale en ce qu’elle interprète une norme irrégulière. Avant, le Conseil d’État jugeait qu’étant donné le caractère purement interprétatif de la circulaire, ce n’est pas elle qui faisait grief mais la norme qu’elle interprétait. C’est pourquoi il jugeait irrecevable le recours contre les circulaires purement interprétatives, alors même qu’elles pouvaient être illégales (CE, 1954, Institution Notre Dame du Kresker). Aujourd’hui, le juge estime que sont recevables les recours contre ce type de circulaires, essentiellement pour une raison d’efficacité. Les circulaires impératives ne bénéficient pas de l’immunité juridictionnelle.

 

 

  • Les directives contiennent des instructions adressées par les responsables aux subordonnés et relatives aux critères à prendre en considération dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Leur régime juridique a été élaboré par l’arrêt du Conseil d’État de 1970, dit Crédit Foncier de France. En créant une sorte de doctrine administrative, les directives assurent plus de cohérence administrative. Le subordonné n’est pas tenu dans tous les cas  d’appliquer la directive, il conserve son pouvoir discrétionnaire. Il a même l’obligation de procéder à un examen des circonstances particulières de fait ou de droit auxquelles il est confronté. Il aura ainsi la possibilité d’écarter les critères de la directive si les circonstances ou l’intérêt général semblent l’imposer. Seule la décision individuelle fait grief. Mais le droit n’ignore pas les directives, qui doivent être publiées. Et l’administré peut les invoquer à l’occasion d’un recours contre une décision individuelle.

 

 

 

4. Conclusion

 

On ne peut que se féliciter de cette réforme qui, en ce qu’elle rend la publication obligatoire des circulaires et directives sur un site Internet unique, assure désormais une meilleure lisibilité et une actualisation de documents indispensables à l’application uniforme sur l’ensemble du territoire des règles de droit édictées par le Gouvernement ou le Parlement.

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12 février 2007 1 12 /02 /février /2007 09:58

« La constitutionnalisation de l'interdiction […] marque le refus absolu de la peine de mort : il n'y aura plus de justice qui tue au nom du peuple français. » (Extrait de l’intervention de Robert Badinter, rapporteur du projet de loi constitutionnelle relatif à l’interdiction de la peine de mort, en séance publique du Sénat du 7 février 2007)

Le projet contient un article unique stipulant que la formule "nul ne peut être condamné à la peine de mort" doit être inséré dans la Constitution dans son article 66.
Cette modification de la Constitution rendra possible la ratification du deuxième protocole facultatif du pacte international relatif aux droits civils et politiques de la Convention de New York du 15 octobre 1989 portant, entre autre, abolition de la peine de mort.
En effet, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 13 octobre 2005, avait fait de cette modification constitutionnelle une condition indispensable à cette ratification.

Au-delà du geste politique, il faut s'interroger sur la portée de la disposition réformant la Constitution.
Le président de la République avait saisi le Conseil constitutionnel de deux projets de loi autorisant la ratification de conventions internationales ayant l'une et l'autre pour objet l'abolition de la peine de mort (le protocole n°13 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et le protocole n°2 au pacte international relatif aux droits civils et politiques de la Convention de New York du 15 octobre 1989). Bien qu'ayant pour objet d'abolir la peine de mort en toutes circonstances, celles-ci ne soulevaient pas du point de vue de leur constitutionnalité la même question.

La portée de la loi du 9 octobre 1981 résulte de son article 3 qui dispose : « Dans tous les textes en vigueur prévoyant que la peine de mort est encourue, la référence à cette peine est remplacée par... ». L'abolition est donc générale.
Elle s'applique à tous les textes en vigueur sans distinguer entre le temps de guerre et le temps de paix, ni selon le caractère des circonstances. La modification constitutionnelle ne modifiera donc en rien notre droit positif mais et, c'est là tout l'objet de la réforme, il fallait, préalablement à la ratification du protocole n°2 au pacte international relatif aux droits civils et politiques, modifier notre ordre juridique. Car celui-ci pose une question d'ordre constitutionnel redoutable qui tient à la nature de l'engagement auquel la France souscrit. S'il est possible, en effet, à la France de se retirer de la CESDH, en revanche, il n'est pas possible, juridiquement du moins, de se retirer du pacte de New York comme d'aucun traité onusien. Dès lors, se pose une question de souveraineté nationale : signer le traité reviendrait à engager « irrévocablement » la France et serait contraire aux dispositions du préambule de la Constitution de 1946 dont le 15e alinéa n'autorise que de manière restrictive les atteintes à la souveraineté nationale dans le but d'organiser et de défendre la paix.

Examinant la ratification de ce traité, le Conseil constitutionnel ne pouvait donc que conditionner sa ratification à une élévation au rang constitutionnel, supérieur au traité, d'une disposition abolissant la peine de mort.
Dans leur décision du 13 octobre 2005, les membres du Conseil Constitutionnel auraient pu faire évoluer leur jurisprudence et reconnaître à la loi du 9 octobre 1981 le statut de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (les fameux PFRLR). Ses dispositions auraient ainsi été intégrées au bloc de constitutionnalité. Sans doute, le Conseil y a-t-il trouvé plus d'inconvénients que d'avantages.

La réforme constitutionnelle proposée au Conseil des ministres la semaine prochaine tend donc à opérer cette constitutionnalisation de l'interdiction de la peine de mort nécessaire à la ratification du protocole n°2 au pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Mais la signature du protocole engage la France au-delà même de la durée de vie de la Constitution du 4 octobre 1958. Le législateur s'apprête à introduire dans la Constitution une norme de droit positif qui même lors d'un changement de régime, tant que la France restera membre de l'ONU, s'imposera au pouvoir constituant, c'est-à-dire au peuple souverain. Cette réforme conduit in fine à remettre en cause la souveraineté nationale interne la plus classique, celle qui fait du peuple souverain la source de la légalité fût-elle constitutionnelle.

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19 janvier 2007 5 19 /01 /janvier /2007 15:08

Le projet de modification du titre IX de la Constitution a été adopté par l’Assemblée Nationale le 16 janvier 2007. Il vise à modifier le statut pénal du chef de l’Etat, tant pendant qu’après son mandat.
Il doit désormais être adopté dans les mêmes termes par le Sénat puis, le cas échéant, par le Parlement réuni en congrès à Versailles où il doit alors recueillir les trois cinquièmes des suffrages exprimés pour être adopté définitivement.

Dispositions du titre IX actuellement en vigueur

Art. 67. - Il est institué une Haute Cour de Justice.
Elle est composée de membres élus, en leur sein et en nombre égal, par l'Assemblée Nationale et par le Sénat après chaque renouvellement général ou partiel de ces assemblées. Elle élit son Président parmi ses membres.
Une loi organique fixe la composition de la Haute Cour, les règles de son fonctionnement ainsi que la procédure applicable devant elle.

Art. 68. - Le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant ; il est jugé par la Haute Cour de Justice.

Projet de modification des dispositions du titre IX actuellement en débat devant le Sénat

Art. 67. - Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.
Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.
Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions.

Art. 68. - Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.
La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours.
La Haute Cour est présidée par le Président de l'Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d'un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d'effet immédiat.
Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution.
Une loi organique fixe les conditions d'application du présent article.

Avant ce projet de loi constitutionnel, le statut pénal du chef de l’Etat était réglée par la jurisprudence. A la fois le Conseil Constitutionnel et la Cour de Cassation avaient été amenés à se prononcer sur le fait de savoir si le Chef de l'Etat pouvait être poursuivi devant une juridiction pénale, comme chaque citoyen, pour des faits étrangers à sa fonction.
Les deux institutions avaient conclu à l'inviolabilité du Chef de l'Etat durant son mandat, mais en des termes légèrement différents.
Par une décision du 22 janvier 1999, vérifiant la constitutionnalité du traité instaurant la cour pénal internationale, le Conseil constitutionnel avait considéré que la responsabilité pénale du Président de la République durant son mandat ne relevait que de la Haute Cour de Justice.
La Cour de Cassation avait elle jugé dans un arrêt du 10 octobre 2001 que le Chef de l'Etat bénéficiait d'une inviolabilité temporaire. Les délais de prescription et les poursuites s'en trouvaient seulement suspendues. Ils pouvaient reprendre après la fin du mandat du Président.
La solution de la Cour de cassation était donc plus stricte à l’égard du chef de l’Etat, car l’exercice des fonctions présidentielles a, selon sa décision, pour effet de suspendre tant les poursuites que les délais de prescription pour les faits qui lui sont reprochés. Le Conseil Constitutionnel n’avait pas retenu une telle suspension des délais de prescription.
Cette divergence est d’importance si on prend par exemple le cas de l’actuel président, en fonction depuis 12 ans. En l’absence de suspension des délais de prescription, la plupart des faits commis avant ou au début de son mandat se verraient aujourd’hui prescrits, par application de la prescription décennale. Au contraire, en cas de suspension des délais de prescription, il aurait encore à répondre de ces faits, tout se passant comme si son mandat était mis entre parenthèse, pour l’écoulement du temps juridique.

Les apports de la réforme

Selon le premier alinéa de l’article 67 : « Le Président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68. »
Cette disposition prévoit l'irresponsabilité du Président pour les actes qui relèvent de la fonction. Le principe est donc posé. Pour tous les actes exécutés en application de ses prérogatives, le Président ne pourra souffrir d'une quelconque responsabilité, tant civile que pénale.
Cette irresponsabilité couvre tous les actes relevant des fonctions du Président de la République, i.e. les pouvoirs qui lui sont confiés par la Constitution : prérogatives militaires, promulgation des lois, dissolution de l’assemblée nationale, exercice des pouvoirs spéciaux de l’article 16. Pour ces actes, le Président bénéficie d’une immunité générale.
Cette immunité connaît cependant deux exceptions :

  • L’article 53-2 de la Constitution : le président de la République peut être déféré devant la Cour pénale internationale à raison des actes accomplis en application de ses pouvoirs constitutionnels.
  • L’article 68 de la Constitution : « Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour. »
    L'expression se substitue à la "haute trahison" de l'article 68 actuel. L'expression était apparue en effet peu claire et suscitait des interprétations contrastées. Elle n'est en effet pas définie dans la Constitution ni aucun autre texte du droit positif.
    Le « manquement à ses devoirs » : quels sont les devoirs du Président de la république ?
    On songe aux devoirs qui résultent de la mission qui lui est donnée par la Constitution. Ils recouvrent les prérogatives qui ne sont pas facultatives (nommer un premier ministre ou promulguer une loi votée par le parlement). Mais on peut aussi songer que les atteintes à la dignité de la fonction relèvent également des devoirs du président.
    Le texte contient une réserve à propos de ce manquement aux devoirs. Il faut que ces manquements soient « manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Une telle limitation n'est pas nouvelle en droit positif. Il s'agit en droit administratif ou en droit commercial de la notion de faute détachable. Dans ces matières, l'administrateur ou le dirigeant n'engage sa responsabilité personnelle que s'il commet une faute détachable, c'est à dire incompatible avec ses fonctions.
    Le texte établit la nature de la sanction : il s’agit de la destitution du Président, qui met fin à ses fonctions. Il ne s’agit donc pas d’une sanction civile, pénale ou administrative. Mais cette destitution permet d’ouvrir des actions civiles ou pénales contre le Président destitué en vertu du troisième alinéa de l’article 67 de la Constitution (voir infra). Cependant, comme on l’a vu, les actes accomplis en la qualité de Président de la République n’engagent pas la responsabilité de celui-ci.
    Le texte règle également la procédure de destitution. L'Assemblée et le Sénat doivent d'abord voter la décision de se réunir en Haute Cour. Ce vote acquis, le Parlement constitué en Haute Cour vote pour décider la destitution du président de la République.
     Dans le projet du gouvernement, ces votes (ceux des deux Assemblées puis celui de la Haute Cour) sont acquis à la majorité simple. Un amendement a été voté, qui porte cette majorité aux deux tiers des voix des parlementaires.

Le second alinéa de l’article 67 intéresse l'accomplissement d'actes de procédure contre le Président de la République : « Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. »
Aucune procédure civile, administrative ou pénale ne peut prospérer pendant la durée de l'exercice de fonctions.
Les actes visés peuvent être intervenus avant l'entrée en fonction du Président ou pendant l'exercice de son mandat.
La justification de cette protection générale réside dans le risque d'utilisation d'instruments processuels pour affaiblir politiquement et institutionnellement la Présidence.

Le troisième alinéa de l’article 67 prévoit le caractère temporaire de l'immunité dont bénéficie le Président de la République : « Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions. »
Autrement dit, si le Président échappe à toutes procédures pendant la durée de son mandat, celles-ci ne sont que suspendues. Autrement dit, les procédures engagées avant l'entrée en fonction ou qui n'ont pas pu l'être durant le mandat peuvent se poursuivre à l'expiration d'un délai de viduité fonctionnelle.
En conséquence, les prescriptions ne courent pas pendant la durée du mandat en application de l’adage Contra non valentem agere non curit praescriptio.


La réforme ne se limite donc pas au seul statut pénal du Président de la république. C'est son statut juridictionnel qui est fixé, de même que celui de sa responsabilité politique. Car si la haute trahison de l'article 68 actuel présente une dimension pénale marquée, le "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat." est, de façon neutre, l'instrument de contrôle de l'exercice de son pouvoir.

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4 décembre 2005 7 04 /12 /décembre /2005 19:34

D’une manière générale, lorsqu’un dommage est causé par un ouvrage ou un travail public à un usager (celui qui fait un usage normal et effectif d’un ouvrage public), on applique la théorie dite de la responsabilité pour défaut d’entretien normal. Les principes de la responsabilité de l’administration qui s’appliquent alors reposent sur la base d’une responsabilité pour faute présumée de service, avec un renversement de la charge de la preuve. Si l’usager qui s’estime victime d’un accident imputable à un défaut d’entretien d’un ouvrage public rapporte la preuve de son dommage et du lien de causalité de celui-ci avec l’ouvrage public en cause, ce sera alors à l’administration de prouver qu’il n’y a pas eu défaut d’entretien normal si elle veut s’exonérer de sa responsabilité.

Les preuves du préjudice de la victime et de son lien avec l’ouvrage en cause sont donc les deux bases de l’édifice. De telles preuves doivent être constituées objectivement.

La responsabilité de l’administration est engagée dès que ces deux preuves sont rapportées, donc dès qu’il y a un lien de causalité direct entre le préjudice subi par la victime et l’activité d’entretien de l’ouvrage dont l’administration a la charge. Ce lien de causalité est fondé sur l’existence d’une supposée défectuosité de l’ouvrage (s’il y a eu un accident du fait de l’ouvrage, c’est que celui-ci doit présenter un danger).

La preuve du bon entretien, donc de l’absence de défectuosité, revient alors à l’administration qui a ainsi l’occasion de s’exonérer de toute responsabilité. A défaut de défectuosité de l’ouvrage, le lien de causalité entre le dommage et ledit ouvrage n’est plus établi. Il y a donc une présomption de faute à l’encontre de l’administration, mais dont elle peut s’exonérer en prouvant l’entretien normal ou en raison des causes du « droit commun » de la responsabilité administrative (force majeure ou faute de la victime).

 



  • La théorie du défaut d'entretien normal appliqué à la voirie routière

Ne peut être usager que celui qui fait un usage normal et effectif d’un ouvrage public. La question est de savoir si la voirie routière est un ouvrage public. Les critères de l’ouvrage dégagés par la jurisprudence sont au nombre de trois :

 -         il s’agit d’un immeuble,

-         ayant fait l’objet d’un aménagement spécial,

-         et affecté à un intérêt général.

La voirie routière remplit ces trois critères. Il s’agit donc d’un ouvrage public et les accidents survenus aux usagers de cet ouvrage (automobilistes mais aussi motocyclistes, cyclistes et piétons) du fait d’une défectuosité obéissent au régime de la responsabilité pour défaut d’entretien normal que nous avons évoqué.

Ce qui fonde la spécificité de la responsabilité pour défaut d’entretien normal de la voirie routière, c’est la diversité des défectuosités qui peuvent intervenir. Les défauts d’entretien d’un bâtiment public sont en général constitués par un vice de construction ou une négligence de la part de l’administration dans l’entretien (manutention, réparations…). Au contraire, les défauts d’entretien de la voirie routière peuvent résulter de faits extérieurs à l’administration, comme le dépôt d’une nappe d’huile par un véhicule, provoquant la glissance d’un autre véhicule.

Plusieurs phénomènes sont ainsi susceptibles d’engager la responsabilité de l’administration, qu’ils soient dus à une négligence de sa part (absence ou insuffisance de signalisation, mauvais état de la chaussée, absence d’un dispositif d’éclairage ou de protection) ou à un fait extérieur (glissance, obstacle sur la chaussée, neige ou verglas).

Dans le cas particulier de la voirie routière, l’administration peut s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il y a bien eu entretien normal de plusieurs manières :

 - Si elle prouve qu’elle ne pouvait pas connaître ou prévoir le danger et qu’elle n’avait donc pas pu prendre en temps utiles les mesures nécessaires pour remédier au désordre. Quoi qu’il arrive, cette preuve doit s’accompagner de celle du bon entretien du réseau avant l’accident et de sa surveillance régulière, car un défaut d’entretien récurrent fait présumer la responsabilité de l’administration quelle que soit l’imprévisibilité du désordre.

-  Si la durée d’intervention ayant précédé la réparation du désordre n’a pas dépassé le délai que l’usager est en droit d’attendre d’un service normalement diligent et ce, même si l’accident a eu lieu pendant ce délai d’intervention. En effet, l’obligation d’entretien est, pour l’administration, une obligation de moyens et non de résultat.

-  Si la défectuosité est minime : cette théorie répond à l’idée que l’administration n’est pas tenue à l’impossible mais qu’elle doit entretenir  les routes afin d’assurer aux usagers un usage conforme à leur destination.

-  Si la défectuosité est visible : il s’agira alors d’une faute de la victime, qui quel que soit l’état de la route, doit prendre toutes les mesures normales qui s’imposent à tout conducteur diligent. Tout usager doit se prémunir contre les risques inhérents à l’usage d’un ouvrage. Ainsi par temps de verglas, un automobiliste ne saurait engager la responsabilité de l’administration pour défaut d’entretien normal du fait d’un état de verglas généralisé sur la chaussée. Il s’agit là d’un danger visible et prévisible contre lequel il doit se prémunir seul.

En cas de contentieux, le juge exigera donc que la personne responsable de l’entretien de la voie expose en détails les mesures effectivement prises pour entretenir la section de route où s’est produit l’accident et les moyens prévus pour faire disparaître les désordres dangereux pour les usagers, dans les meilleurs délais possibles. Pour cela, le juge examine les patrouilles préalables à l’apparition du désordre, le délai d’inertie des services d’entretien concernés et les solutions d’attente proposées (signalisation, coupure de la circulation, déviation…).

 

Il importe également de savoir que la sévérité du juge n'est pas la même selon la catégorie de l'usager victime, les cyclistes et les piétons étant nécessairement plus fragiles et donc plus exposés aux dangers, même à ceux qui peuvent paraître minimes pour un automobilistes.


 

Crédit photo : © Communauté européenne (2006)

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