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Cette revue a pour but de commenter l'actualité juridique et politique et de proposer des réflexions sur divers aspects du droit.
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Marie Sacchet
14 novembre 2005

Curriculum Vitae

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14 mai 2013 2 14 /05 /mai /2013 16:21

Texte de la question :


"Madame Chaynesse Khirouni appelle l'attention de Madame la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur les difficultés des maires et de leurs services instructeurs des autorisations d'urbanisme à appréhender la notion de changement de destination. Le code de l'urbanisme est venu préciser à l'article R. 123-9, par renvoi de l'article R. 421-14, les différentes destinations : l'habitation, l'hébergement hôtelier, les bureaux, le commerce, l'artisanat, l'industrie, l'exploitation agricole ou forestière, l'entrepôt. Certaines situations rendent complexes la dissociation de ces différentes destinations.
À titre d'exemple, de quelle destination relève un bâtiment accueillant des métiers de l'artisanat, avec des machines industrielles et où est entreposé et commercialisé la production? Faut-il distinguer au sein de ce bâtiment chacune de ces destinations, ce qui imposerait de déposer une demande d'autorisation d'urbanisme à chaque modification de la répartition des activités? Cette appréhension des destinations est d'autant plus difficile lorsque le bâtiment n'a pas accueilli d'activités depuis plusieurs années. La jurisprudence a évolué pour imposer de prendre en compte les caractéristiques propres du bâtiment. Dans des locaux vides, comment définir si le bâtiment est de nature à accueillir de l'artisanat, de l'industrie ou de l'entrepôt ? Elle lui demande si le code de l'urbanisme ne pourrait pas aller dans le sens de la simplification de ces règles par le regroupement des destinations ou, a minima, par l'apport de définitions précises."

Texte de la réponse :


"En règle générale, pour qualifier la destination d'un bâtiment, il convient de déterminer quelle activité principale il abrite par rapport aux différentes destinations prévues par l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme, dont le changement de l'une à l'autre relève d'un contrôle au titre de l'urbanisme.
Dans le cas d'un bâtiment qui abrite à la fois les locaux d'une fabrique artisanale et des locaux affectés à la commercialisation de sa production, l'article R. 421-14 du même code prévoit que : « les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal ». Ainsi, l'ensemble du bâtiment concerné doit alors être considéré comme étant destiné à l'artisanat. Cette notion s'apprécie par référence au décret n° 98 -247 du 2avril1998 modifié relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers.
Concernant les locaux vides et inutilisés depuis longtemps, la jurisprudence a introduit notamment le critère des caractéristiques propres du bâtiment afin de ne pas avoir à rechercher systématiquement la dernière destination connue de la construction.
Dans tous les cas, la destination d'un bâtiment s'apprécie au cas par cas et compte tenu de la multiplicité des situations possibles, il n'est pas envisagé d'apporter des définitions précises et exhaustives ou de regrouper et ainsi réduire le nombre de destinations actuellement prévues à l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme."

Il convient de rappeler que la destination d’un immeuble s’opère par référence aux différentes destinations prévues à l’article R. 123-9 du Code de l’urbanisme, dont la liste revêt un caractère exhaustif.

Lors du dépôt d’une demande d’autorisation initiale, les choses peuvent paraître évidente, dès lors qu’il appartiendra alors au pétitionnaire de définir la destination à laquelle il envisage d’affecter ses locaux.

La situation peut néanmoins apparaître plus délicate s’agissant d’un bâtiment existant, qui a pu connaître des changements d’usage, voire même des périodes plus ou moins longues d’inoccupation. Comment définir alors la destination de cet immeuble ?

La jurisprudence n’apparaît pas encore parfaitement claire sur ce point, s’agissant de la destination de référence à prendre en considération : usage effectif du bâtiment ou destination initialement autorisée ?

Ainsi, certains arrêts, appliquant strictement la jurisprudence THALAMY (CE, 9 juillet 1986, Thalamy, n°51.172) ont considéré qu’il convenait de prendre en considération la destination initialement autorisée et de soumettre à autorisation tout changement de destination du bâtiment :

  • CE, 8 juillet 1994, M. That, n°119.002 : le propriétaire d’un garage l’avait irrégulièrement transformé en habitation, avant de solliciter l’autorisation d’adjoindre un garage et une véranda à cette construction. « L’autorisation sollicitée par [le pétitionnaire] portait sur des travaux d’aménagement et d’extension d’une habitation édifiée sans permis ; dans ces conditions, le préfet ne pouvait légalement accorder un permis concernant ces seuls travaux ; il appartenait [au pétitionnaire] de solliciter un permis de construire pour l’ensemble de la construction litigieuse » ;
  • CE, 30 mars 1994, Gigoult, n°137.881 : le propriétaire d’un garage l’avait irrégulièrement transformé en « laboratoire de fabrication de pizzas à emporter ». Suite à une injonction de remise en état des lieux, il avait tenté de régularisé la situation en déposant une déclaration de travaux concernant la réalisation d’une porte et façade en menuiserie métallique et d’enseignes lumineuses. Le Conseil d’Etat a jugé « qu’il appartient toutefois à Monsieur X de présenter une demande de permis de construire portant sur l’ensemble des travaux qui ont eu ou qui devaient avoir pour effet de modifier la destination du local à usage de garage » ;
  • CAA Marseille, 10 décembre 1998, Commune de Carcès, n°97MA00527 : le préfet ne peut utilement faire valoir que la construction n’était plus habitée depuis plusieurs années, dès lors qu’il ne ressort d’aucune des pièces du dossier qu’elle avait perdu sa destination initiale ou reçu une nouvelle affectation ;
  • CE, 31 mai 2001, Commune d’Hyères-les-Palmiers, n°234.226 : le commune d’Hyères a supprimé le raccordement à la chaussée de quatre locaux à usage de garage ou d’entrepôts, au motif que postérieurement à leur édification, ces locaux ont servi à un autre usage. Cette décision a été censurée par le Conseil d’Etat que, s’il n’est pas contesté que ces locaux ont été édifiés sur la base de permis de construire prévoyant leur usage comme garage ou entrepôts, la circonstance qu’ils ont ensuite servi à d’autres usages ne leur fait pas perdre leur destination initiale.


Il résultait de l’application de ces arrêts que, dès lors qu’un changement de destination irrégulier est intervenu, des travaux ultérieurs ne peuvent plus être autorisés sur la construction par l’autorité compétente si la demande d’autorisation ne vise pas également à régulariser le changement de destination intervenu, peu important la destination effective de la construction au moment du dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme.

Le Conseil d’Etat a cependant infléchi sa position, dans un arrêt dit « FERNANDEZ » : « Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a relevé que le bâtiment en cause, initialement à usage agricole, avait ensuite été transformé à usage d’habitation ; qu’il a ensuite jugé que, dès lors que le propriétaire n’établissait pas que cette transformation avait fait l’objet d’un permis de construire l’autorisant, les travaux envisagés ne relevaient pas du régime de la déclaration de travaux et qu’il y avait lieu de régulariser le changement de destination de l’immeuble par le dépôt d’une demande de permis de construire ; qu’en recherchant les conditions dans lesquelles la destination du bâtiment avait évolué depuis sa construction et en annulant la décision attaquée au motif que le changement de cette destination n’avait pas régulièrement, dans le passé, fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme, les juges du fond ont commis une erreur de droit » (CE, 12 janvier 2007, Epoux Fernandez, n°274.362).

Ainsi, si le Conseil d’Etat considérait dans un premier que, pour déterminer s’il y avait eu changement de destination, il convenait de s’en tenir à la destination autorisée lors de la construction, il considère désormais qu’il convient de prendre en compte la destination effective de la construction à la date à laquelle l’administration statue sur la déclaration de travaux, quand bien même cette destination aurait été irrégulièrement modifiée par le propriétaire.

En ce sens, un arrêt du 7 juillet 2008 confirme la jurisprudence FERNANDEZ, même s’il ne s’agissait pas en l’espèce d’une demande d’autorisation de travaux portant sur des construction dont la destination aurait été irrégulièrement changé, mais de la prise en compte de bâtiments, initialement à usage agricole et irrégulièrement transformés en habitation, pour déterminer la surface hors œuvre nette des bâtiments existants (CE, 7 juillet 2008, n°293.632).

La jurisprudence FERNANDEZ pouvait donc laisser penser que la jurisprudence THALAMY était totalement abandonnée, dès lors que les travaux irréguliers antérieurs consistaient uniquement en un changement de destination.

Un arrêt récent du Conseil d’Etat est cependant venu affiner les solutions applicables en la matière, en faisant une application de la jurisprudence THALAMY à un cas particulier (CE, 27 juillet 2009, SCI LA PAIX, n°305.920) : « considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le sous-sol de l’immeuble litigieux, impropre à l’habitation, a été transformé sans permis de construire, en quatre appartements équipés de cuisines et de salles de bain ; que la SCI LA PAIX a déposé une simple déclaration de travaux ayant pour objet, après décaissement du bâtiment, d’agrandir les ouvertures dont bénéficiaient les logements réalisés dans ces conditions ; qu’il incombait toutefois à la SCI LA PAIX de présenter une demande de permis de construire autorisant l’ensemble des travaux qui ont eu ou qui devaient avoir pour effet de modifier la destination du sous-sol de son immeuble. »

La situation pouvait en conséquence apparaître délicate, tant pour le propriétaire du bâtiment que pour les services instructeurs chargés d’examiner les demandes visant à opérer ou à régulariser un changement de destination.

Cette situation apparaît d’autant plus complexe lorsqu’il s’agissait de déterminer la destination d’un bâtiment inoccupé. Quelle destination prendre en compte dans cette hypothèse ?
Le Conseil d’Etat considère que l’inoccupation d’un bâtiment, même pendant une longue période, n’est pas de nature à changer sa destination et qualifie alors la destination actuelle du bâtiment par rapport « à ses caractéristiques propres » (CE, 9 décembre 20111, Riou, n°335.707).

Les caractéristiques propres d’un bâtiment vides ne seront cependant pas toujours d’un grand secours pour déterminer la destination de celui-ci.


La réponse ministérielle susvisée apporte les éléments d’éclaircissements suivants :

  • La destination d’un immeuble est celle ayant fait l’objet de l’autorisation,
  • La destination s’analyse au regard du bâtiment dans son ensemble et non lot par lot, par application du principe selon lequel « les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal »,
  • S’agissant d’un bâtiment regroupant plusieurs activités, il convient donc de déterminer la destination principale du bâtiment, laquelle s’appliquera à l’ensemble du bâtiment.


Le Ministre de l’égalité des territoires et du logement précise enfin « Dans tous les cas, la destination d'un bâtiment s'apprécie au cas par cas et compte tenu de la multiplicité des situations possibles, il n'est pas envisagé d'apporter des définitions précises et exhaustives ou de regrouper et ainsi réduire le nombre de destinations actuellement prévues à l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme. »

Il semble donc que le contentieux des changements de destination ait encore de beaux jours devant lui …

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commentaires

L
<br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Merci beaucoup pour cet rappel. Les informations sont complètes et la présentation et parfaite pour le changement de locaux accessoires.<br />
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